En mettant en scène le regard lui-même, ce film bref et fulgurant se joue de la perception aussi bien que des représentations sociales : « malaya » nomme en effet explicitement le nom injurieux qui désigne une jeune femme qui se prostitue, une réalité pour de nombreuses jeunes femmes faisant face à l’extrême précarité matérielle en RDC. La cinéaste réfère à une croyance africaine qui voit l’une des grandes violences de la prostitution dans l’impossibilité pour une jeune femme de se libérer de l’envoutement des hommes qui l’ont possédée. Car ce jeune corps fragile, que la caméra dévoile lentement en commençant par la pointe de ses pieds chaussés de hauts talons étincelants, est aussi bien livré aux spectateurs qui la scrute de façon impudique. Pourtant un regard déterminé surprend, interpelle et défie les voyeurs, retournant leur regard de façon médusante. Le visage disparaît sous le fard, deviens un masque impassible, et cette mascarade excessive fait basculer Malaya (2010) dans un autre registre. L’aspect carnavalesque et incongru de la situation se révèle encore quand la protagoniste échange un dernier coup d’œil interrogateur, complice et sororal, avec la cinéaste derrière la caméra, dans un espace qu’on devine domestique, familier.
Malaya
Carole Maloba2010 · 1 min
Carole Maloba est née en 1984 à Likasi (RDC). Elle a passé les 12 premières années de sa jeunesse dans la province orientale et à Kinshasa, la capitale de la RDC. Elle a initié sa carrière cinématographique grâce à ses amis cinéastes avec la coréalisation d’un film amateur intituler Meli Melo. En 2012 elle commence un master en cinéma à l’Académie des beaux-arts de Kinshasa, RDC. Ses films documentaires ont été projetés dans plusieurs écoles soutenues par l’ONG Alba et ses œuvres présentées notamment au centre d’art Picha, à l’Institut français et à la maison Wallonie-Bruxelles à Lubumbashi.