Polyglot (2015) est une série web qui retrace la vie de jeunes polyglottes à Berlin. Les épisodes composent de multiples facettes de leur vie quotidienne – à l’image de la boule disco qu’on voit apparaître au début de la série: leurs rencontres, les peines de l’exil, une virée dans une autre capitale pour retrouver des amis, les moments de rires et de joie. De brefs inserts mettent en évidence les lieux publics de diverses communautés, des salons de coiffure, des agences qui facilitent les allées et venues vers le continent africain, des manifestations dans les rues et les signes des conflits internationaux qui s’inscrivent sur les murs de la ville. Ces notations soulignent les strates migratoires et les flux transnationaux qui donnent forme aujourd’hui aux métropoles européennes. Polyglot souligne la multiplicité – de langues, d’appartenances, d’identités et de cultures – qui marque l’expérience diasporique et le cosmopolitisme des pratiques sociales dans l’espace urbain contemporain.
Avec Polyglot, jamii ya sinema.club continue de revisiter une sélection de réalisations artistiques et filmiques marquantes qui ont opté pour des formes de production et de dissémination autonomes. Conçue et réalisé par Amelia Umuhire, la série a été filmée magnifiquement par Ferhat Yunus Topraklar et met en vedette les jeunes acteurs et artistes Amanda Mukasonga, Amine Ardhaoui, Axel Ibarroule, Hiba Kahla dans le premier épisode à Berlin, Anna Dushime dans le second, et dans le troisième épisode à Londres, Roger Jean Nsengiyumva, Afrikan Boy et Vehda. Les trois épisodes ont été initialement publiés par la cinéaste sur YouTube, où la série a trouvé une grande résonance par-delà les frontières. Polyglot a été produit sans budget, mais est animé par la volonté de mettre en images et en sons des récits totalement ignorés par l’industrie du cinéma ou les média, et – comme le suggère le titre du troisième épisode, ‘My Own’– par la nécessité de raconter soi-même et d’écrire sa propre histoire. La série s’approprie les conventions du format épisodique pour introduire des questions politiques et inventer une forme hétérogène inédite. Au fil des épisodes, elle met en scène autant qu’elle incarne la puissance de l’art, de la musique, du film, comme pratiques de résistance et de liberté.