Mawe (2022) propose une singulière traversée du réel: il ne suffit pas de capter la violence brute de l’événement, l’éruption du volcan Nyiragongo en mai 2021, enregistrée par la caméra tremblante et affolée du cinéaste. Le film suggère que cette expérience et ces images sont inscrites dans la chair et dans la mémoire des habitants qui ont vécu depuis toujours cette intimité avec le volcan. Mawe nous introduit donc à une autre dimension, celle du mythe: grâce à un rituel de renaissance, Nyabhingi la déesse de l’abondance s’élève du Liangombe et souffle le Mazuku. Elle doit guérir Goma de la destruction et rétablir l’équilibre écologique. Avec ses guerriers, elle parcourt les rues de Goma. Ils sont témoins de la désolation causée par l’arrogance industrielle qui a profané la terre, invoquant la fureur de Lingombe, l’esprit de la discipline qui corrige tous les torts. Lingombe crache du feu et de la lave pour avertir le peuple de ses transgressions et suggère de pratiquer une attitude responsable et respectueuse entre les humains et tous les êtres vivants.
Séance
Biennale de Lubumbashi VII
Université de Lubumbashi
Faculté des Lettres
Kumbuka
2021 · 59 min
Kumbuka (2021) est un film pluridimensionnel qui confronte l’histoire et l’héritage de la vision coloniale de l’Afrique. Il raconte l’histoire de deux jeunes cinéastes africains qui s’efforce de remonter un film tourné par un cinéaste néerlandais au Congo, acclamé par la critique en Europe, mais controversé. Sujets principaux de ce film, les jeunes gens ont en effet eu le courage de le critiquer publiquement pour sa perspective eurocentrique qui, selon eux, déforme leur histoire. En réponse, la société de production néerlandaise leur a offert la possibilité de remonter le film pour qu’il représente plus fidèlement leur vision du monde. D’une part, cette opportunité leur a permis d’accéder aux ressources nécessaires pour lancer leur carrière naissante. D’autre part, elle s’accompagnait de contraintes (notamment l’obligation de limiter leur film aux séquences tournées par l’équipe néerlandaise) qui soulignent les questions persistantes de pouvoir dans les représentations cinématographiques de l’Afrique. Le dilemme des deux jeunes cinéastes sur les alternatives – et la manière – d’affronter cette situation est emblématique de la dynamique plus large qui est au cœur de Kumbuka: Quels legs adoptons-nous comme héritage cinématographique du continent africain? Quelles références privilégions-nous dans le contexte «post»colonial? Comment mettre en perspective l’histoire précoloniale? Pour moi, ce ne sont pas des questions du passé, mais de l’avenir. Elles sont les pierres angulaires de ma réflexion sur la manière d’atteindre une réalité décoloniale. (Petna Ndaliko Katondolo)
Primo Jasmin Mauridi est un photographe et cinéaste originaire de Goma (République démocratique du Congo). En tant que jeune artiste, il s’est formé pendant plusieurs années au centre culturel Yole Africa ! sous la supervision pédagogique et artistique de Petna Ndaliko Katondolo. Son film Mawe a été présenté lors de la rencontre Ishango à Goma en juin 2022, ainsi qu’une série de photos du même titre. Réalisé dans le cadre de l’Atelier Mahindule, il a participé avec le film Bila Mask in Congo au Harlem Film Festival. La même année, il a remporté la bourse Canon Academy VII. En avril 2022, il a participé aux Rencontres internationales des arts numériques et visuels à Abidjan, Côte d’Ivoire.
Petna Ndaliko Katondolo est cinéaste, activiste, et éducateur. Il vit entre Goma et Chapel Hill. Ses œuvres artistiques multigenres sont connues pour leur style artistique afrofuturiste et décolonial. Elles affrontent des aspects historiques pour mieux aborder les questions sociopolitiques et culturelles contemporaines. En 2000, il a cofondé Yole!Africa. En 2005, il a créé le Festival international du film Salaam Kivu – aujourd’hui Ishango Encounter – et la structure Alkebu Film Productions. Ndaliko Katondolo est enseignant et consultant pour des organisations internationales qui s’attaquent aux inégalités sociales et politiques parmi les groupes marginalisés par le biais de la culture et de l’éducation. Kumbuka (2021), son dernier film en date, a notamment été présenté à la Berlinale et au Festival international du film de Rotterdam.