jamii ya sinema.club

Séance

18 août 2023, 16:00

Picha
7, Avenue du Parc
Quartier Makutano
Lubumbashi, RDC


Breaking Ground

Inès Girihirwe

2020 · 13 min

Des sons résonnent dans l’obscurité, les chiens hurlent au loin. On entend le rythme des criquets quand Anna se lève au milieu de la nuit pour prendre soin de son enfant qui pleure. A travers les rideaux, elle observe ses voisines qui semblent rentrer d’une fête. Elle leur demande de faire moins de bruit.

Le matin, Anna, devant le miroir, observe son reflet, son visage rougi par des marques de coups. Elle porte une perruque à la chevelure lisse. Dans la cuisine, son mari ordonne, commande, impose son autorité brutale. Anna devient bientôt impassible. Le thé frémit, entre en ébullition soudainement – comme l’âme d’Anna. Elle s’enfuit et rejoint ses voisines. Les femmes accueillent doucement Anna, des rires s’élèvent. Le groupe se reposent, fument, parlent de littérature. Une communauté joyeuse se forme autour d’un poème:

“Ta couronne / est à l’intérieur de ta tête. / Continue à marcher sur le juste chemin. / Pas besoin de courber le genou / Reste dans la trajectoire / Qui est la tienne. / La liberté est notre clé. / Tu es une reine. / Il est temps que tu le découvres. / Ils t’ont fait comprendre qui tu étais. / Ils ont prétendu que tu étais un monstre. / Ils ont essayé de te rendre malade / De toi-même. / Mais quand même / Tu t’es relevée. / Ne t’excuse pas. / Tu veux avoir ton mot à dire / Tu es un monstre ? / Qui choisit sa propre voie / Tu es un monstre ? / Oui…”

Comment s’affranchir des structures patriarcales, aliénantes, oppressantes? Breaking Ground (2020) suggère que l’invention de formes de solidarité entre femmes, la puissance de l’art, mais aussi les petits gestes qui transforment et défont les attentes de la société, permettent de conquérir la liberté. Anna, devant le miroir, retire sa perruque à la chevelure lisse.

20 ans d’âge

Joseph K. Kasau Wa Mambwe

2020 · 10 min

En RDC, le parcours de la formation classique, de la maternelle à l’obtention d’un diplôme d’enseignement supérieur, s’étend sur 20 ans minimum. 20 ans d’études, mais aussi d’incommensurables sacrifices, puisque la scolarité requiert un grand investissement. Le diplôme, en particulier universitaire, a longtemps été donné comme un attirail de réussite sociale. Son obtention comportait, à juste titre, l’assurance – aujourd’hui bien incertaine, hélas – d’obtenir un bon emploi et partant, une avancée sociale.

Comme le cinéaste, beaucoup parcourent ce tunnel, long de 20 ans, avec l’unique perspective de devenir un jour de «grands hommes». Cependant, à l’autre bout du tunnel, l’illusion devient fâcheusement perceptible. Le chemin débouche le plus souvent sur une absence totale d’opportunité, les titres universitaires n’accordant aucun privilège. L’emploi est une exception dont le chômage est la règle.

Critique sans concession, 20 ans d’âge (2020) prend la forme d’un récit autobiographique qui met en scène le dépit, l’aveu amer d’un sentiment de perte de ce qu’on n’a jamais eu, pour mieux confronter les faux semblants, les mensonges et l’hypocrisie qui cimentent une société qui se leurre avec de fausses promesses de futur. Au-delà d’exprimer les souffles de désillusion du cinéaste, 20 ans d’âge dépeint les maux de la société congolaise.

Interview

Jackson Bukasa

2018 · 15 min

Ayant obtenu une opportunité d’effectuer une résidence artistique à l’étranger, Lushi, artiste comédien, doit prestement envoyer son dossier pour concrétiser cette possibilité. En même temps, Lushi se retrouve contraint par son épouse, sous peine de la perdre, de se présenter à un entretien d’embauche pour lequel il ne ressent pourtant aucun intérêt. L’art, auquel il s’est tant adonné et à quoi il désire consacrer sa vie, ne parvient pas à le faire vivre. Ce dilemme enverra l’artiste longer un itinéraire plein de rebondissements.

L’auteur raconte avec sa verve et son humour singuliers la tension irréconciliable entre la passion et les urgences de la survie. Cette fiction classique révèle une réalité sociétale : la précarité économique de nombre d’artistes en RDC, tiraillés entre les obligations professionnelles et sociales. Corruption, trafic d’influence, concussion, chômage, privation d’accès à Internet par le gouvernement… le film fait écho à une multitude de faits de la société congolaise. L’interview (2018) résonne comme un plaidoyer pour la pratique de l’art.

Scénario

Abraham Muhindo Barakomerwa

2014 · 8 min

Scénario. Extérieur jour: Forêt. L’action se passe au cœur d’une forêt tropicale embrasée de lumière mais aussi plongée dans des ombres profondes où règne la mort. Une jeune femme est libérée par ses deux amis. Ensemble, ils commencent une course effrénée pour échapper au groupe qui avait tenu la jeune protagoniste en otage, une milice armée. Les jeunes gens courent à travers les arbres et les lianes, la végétation se fait hostile. La tension monte, appuyée par une bande sonore stridente et rythmée. Les protagonistes se retrouvent finalement confrontés à leurs ennemis. Un coup de fusil retentit, hors champ.

Dans Scénario (2014), il y a des héros et des victimes, des traques et des poursuites, des armes et du sang; du danger et de la violence, de l’urgence et du suspens. Il en comporte tous les ingrédients, mais est-ce vraiment un film d’action? Scénario est peut-être plutôt une vision, un rêve, un délire de cinéma. Un doux sourire féminin dans la chambre du scénariste suggère cet état de songe ensommeillé, où l’inconscient est à l’œuvre.

Scène 9 – Extérieur jour: le film retrouve les dernières lignes du script pour arriver à sa fin.

18 août 2023, 16:00

Picha
7, Avenue du Parc
Quartier Makutano
Lubumbashi, RDC


Girihirwe Inès est une réalisatrice qui vit et travaille à Kigali, au Rwanda. Elle a travaillé sur plusieurs projets cinématographiques et son court-métrage Breaking Ground (2020) a été projeté et récompensé dans plusieurs festivals à travers le monde, notamment au Festival International du Film de Seattle, au Festival international du court métrage de Sao Paulo et au Festival Cinématographique international de Zanzibar (Prix Sembene Ousmane). Elle travaille actuellement sur un nouveau projet de court-métrage et est également membre du 250 – Experiment Cine Club, un club de cinéma basé à Kigali, au Rwanda.

Joseph K. Kasau Wa Mambwe est un artiste visuel, cinéaste et auteur basé à Lubumbashi (RDCongo). Licencié en Sciences de l’information et de la Communication à l’Université de Lubumbashi, il a une spécialisation en Arts du Spectacle (audiovisuel, cinéma et théâtre). Sa pratique artistique se situe à l’intersection du cinéma, de l’art vidéo, de l’écriture. Il aborde dans son travail la complexité de la mémoire et de l’identité dans le contexte urbain postcolonial. Ses productions sont attentives aux interactions sociales, soulignant les rapports de force et proposant des alternatives de changement et de rassemblement. Il est membre du Group 50:50, un collectif d’artistes congolais, allemands et suisses, qui développent une forme de théâtre musical postdocumentaire. En 2020, il a cofondé le collectif Nidjekonnexion à Lubumbashi.

Jackson Bukasa est artiste, cinéaste et humoriste. Il est licencié en arts du spectacle de l’Université de Lubumbashi. Depuis 2011, il a écrit et réalisé plus d’une vingtaine de courts-métrages pour les cours d’initiation au cinéma dispensés aux étudiant.e.s des universités de Lubumbashi. Depuis 2012, il joue dans différentes pièces de théâtre et participe à leur mise en scène. Jackson Bukasa est l’initiateur du Kiekeke Comedy Club et du Réseau cinématographique du Congo (REC). Il est actuellement coordinateur du centre d’art et de recherche Picha et travaille sur son premier film d’animation Mozalisi. Jackson Bukasa participe à la création en 2022 du projet collectif jamii ya sinema.club, dont il est membre actif et co-curateur.

Abraham Muhindo Barakomerwa est réalisateur, producteur, scénariste. Il vit et travaille en RDC. Licencié en économie, il a étudié le cinéma à Yole Africa et s’est formé à l’université d’été de la FEMIS. Il est directeur d’ABRAKO Film Production; fondateur et directeur artistique de la résidence cinématographique de Nyiragongo; initiateur de l’Association des réalisateurs congolais; membre du collectif Goma Capitale du Cinéma; et ancien président des cinéastes du Nord-Kivu. En 2014, il réalise Scénario, qui a remporté le prix du meilleur film et le prix public à la 8e édition du Salaam Kivu International Film Festival, puis plusieurs courts-métrages. En 2018, il est sélectionné par le CNC pour prendre part au Festival de Cannes en tant que producteur réalisateur francophone, devient directeur artistique adjoint au Congo International Film Festival et membre du jury du Big Short International Film Festival, Los Angeles. Il est actuellement en préproduction de son premier moyen-métrage de science-fiction intitulé Illumine-moi.

Écran public

les vendeuses d'oranges

Cindy Bannani
2020 · 27 min