Jamii ya sinema.club invite Joseph K. Kasau Wa Mambwe pour une séance sous forme de rencontre rythmée par une série de projections et de discussions. L’artiste introduira un travail en cours, développé avec le philosophe et curateur Kabila Kyowa Stéphane, présenté initialement dans le cadre de Quilombo, un projet tricontinental de recherches et d’expositions entre la RDC, le Brésil et la Suisse : Gestes des dieux propose une perspective critique sur le colonialisme vert en se mettant à l’écoute de récits de vie et de pratiques communautaires, qui deviennent un plaidoyer pour les résistances locales et les questions environnementales urgentes.
La présentation sera précédée de la projection du film 20 ans d’âge (Joseph K. Kasau Wa Mambwe, 2020, 9 min).
Geste des dieux (2021) est une installation qui combine son, vidéo, cartographie et écriture. À travers une série de conversations avec des artistes, activistes, chercheurs, chefs traditionnels, conservateurs, le projet met en dialogue et fait émerger de nouveaux récits sur les questions environnementales, qui proposent une perspective critique sur le colonialisme vert. La pièce sonore porte plusieurs voix africaines et occidentales animées par la volonté de s’opposer aux effets destructeurs du capitalisme qui ronge le monde et de raconter des pratiques communautaires et des histoires de résistance qui ouvrent de nouvelles réflexions sur les rapports à l’environnement et à l’écologie.
La question de l’occupation des terres prend une place prépondérante dans cette installation-conversation. Dans la vidéo (10min), les artistes abordent sur un mode poétique et métaphorique la terre comme espace, matière, idée : un espace où vivent des communautés aux savoirs indigènes très respectueux de l’environnement, mais qui sont chassées de leurs propres terres au nom de politiques globales de conservation de la nature. Jusqu’à présent, ces politiques ont principalement favorisé la mise en œuvre du système capitaliste par des multinationales occidentales, à travers l’exploitation touristique, minière, hydraulique, pétrolière et forestière — renforçant encore le pouvoir des dominants sur les dominés.
Gestes de dieux s’interroge sur les frontières et leurs tracées, sur la façon dont les pouvoirs sont partagés et les récits sont racontés. L’histoire de la cartographie ne peut éviter la question fondamentale des territoires. Comment ces lignes affectent-elles la réalité de la vie des communautés locales ? Quels conflits potentiels et réels ces lignes produisent-elles ? Les enjeux dépassent ici les seuls usages pratiques, mais incluent bien d’autres aspects, selon les contextes, sociétés, cultures : gestion du territoire, exploitation des ressources, déplacement des populations, géopolitique, etc.
Le village de Kalera est situé à environ mille mètres d’altitude. Le village se trouve entre deux parcs nationaux , Upemba et Kundelungu. Sur la rivière, un barrage hydroélectrique est en cours de construction. Les projets de construction d’industries de meunerie dans cette zone et la réunification de deux parcs nationaux menacent la population locale de déplacement et de dislocation. Les lignes sur les cartes changent. Le tracé de la ligne cartographique est un geste performatif de pouvoir, qui crée l’espace plus qu’il ne le représente. Ce tracé élabore un nouvel objet intellectuel qui n’est pas la simple addition des informations locales, des mesures et des références empiriques, mais produit de nouvelles significations, effets cognitifs et usages potentiels. Comment les cartes peuvent-elles entrer en dialogue avec les savoirs des communautés locales sur les pratiques ancestrales de conservation de la nature ?