Tous les jeudis soirs, l’Université d’Ibadan, grande ville du sud-ouest du Nigeria, abrite un ciné-club, où les étudiant.e.x. visionnent des films qu’ils prennent le temps de discuter. Dans ce ciné-club, les films projetés incitent une parole libre qui n’évite aucuns débats: intersectionnalité, décolonisation, luttes féministes, luttes LGBT, minorités ethniques du pays, droits des étudiants ou élections. Un lieu pour permettre à ces jeunes gens qu’on associe à la Coconut Head Generation d’affronter le monde et la société nigériane. Cette expression méprisante qui qualifie la jeunesse de paresseuse et abrutie, les étudiant.e.x se l’approprient en la détournant afin d’en faire une force et de revendiquer leur intelligence critique. Au gré des séances, de débats houleux en discours éloquents, les étudiant.e.x apprennent à se situer, à marquer leurs différences et à penser ensemble. La salle de cinéma devient un lieu d’éducation autogéré où l’on apprend à lutter et à s’organiser. D’abord intérieur – la salle de cinéma, l’université –, le film s’ouvre aux forces qui traversent la société et le réel rattrape les étudiant.e.x et le cinéaste au travail. Alain Kassanda suit les révoltes étudiantes d’octobre 2020 qui éclatent contre les violences policières et les abus de la Special Anti-Robbery Squad, une unité de police anti-vol (#EndSARS). Alors que les étudiant.e.x regardent des films de Med Hondo, de Mahamat Saleh Haroun ou de John Akomfrah, ils deviennent les personnages d’un film de lutte. Le film les regarde s’ouvrir au réel et devenir les acteurs et les actrices du changement. Face au monde qui se transforme trop lentement, face à son histoire et ses violences, teacher, don’t teach me nonsense.
Séance
23 mai 2024, 20:30
Kino Rex
Schwanengasse 9
3011 Bern, CH
Alain Kassanda, natif de Kinshasa, a quitté la République démocratique du Congo pour la France à l’âge de 11 ans. Après des études de communication, il se lance dans l’organisation de cycles de projections de films dans différents cinémas parisiens. Il devient ensuite programmateur des 39 Marches, une salle de cinéma d’art et d’essai en banlieue parisienne, durant cinq ans, avant de s’installer à Ibadan, au sud-ouest du Nigéria, de 2015 à 2019. Avant Coconut Head Generation (2023), il a réalisé les films Colette & Justin (2022) et Trouble Sleep (2020).