Il deserto e il mare (2007) est une vidéo collective qui nous introduit à la vie d’un petit groupe de personnes réfugiées ayant fui l’Erythrée, l’Etiopie, le Soudan, après le désert et la mer, qui deviennent à la fois les protagonistes et les auteurs du film. Leur présent, en 2007, devient visible dans plusieurs épisodes distincts qui détaillent les difficultés quotidiennes de leur nouvelle vie en Italie comme réfugié.e.s, les démarches administratives interminables dans une bureaucratie dysfonctionnelle, la marginalisation sociale et spatiale dans la métropole, le travail précaire. Ces notes vidéographiques chroniquent également les moments d’échanges, de solidarité, les retrouvailles de la communauté dispersée qui se rassemble pour célébrer ensemble. Ces moments partagés permettent aux protagonistes de se remémorer collectivement le passé, et plus particulièrement leur trajectoire et leur passage vers l’Europe, les périls du voyage dans le désert et de la traversée de la mer Méditerranée. Par leurs récits, ces femmes et ces hommes deviennent les témoins de leurs ami.e.s disparu.e.s, mais aussi de celles et ceux qui sont encore en route, et dont la vie reste menacée en Libye. A travers une multiplicité de narrations, d’une caméra complice et de la singulière hétérogénéité de sa forme, Il deserto e il mare parvient à restituer les complexités de l’expérience migratoire contemporaine déterminée par le régime contemporain de fermeture des frontières, en privilégiant le point de vue des individus qui la vivent. Filmer devient ici ainsi un acte d’autoreprésentation, une affirmation des migrants de leur capacité d’action et de leur agency.
Il deserto e il mare a résulté d’un premier atelier audiovisuel initié au sein de l’école de langue Asinitas à Rome en 2007. Les initiatives en vue de favoriser des formes d’autonarration des personnes migrantes se sont poursuivies et ont mené ultérieurement à la création de l’Archivio delle Memorie Migranti. L’AMM s’est ainsi employée ces dernières années à préserver les voix, les récits, les images, les « traces » du processus complexe et multiforme de la mobilité transnationale contemporaine, proposant un éclairage différent sur son impact sur l’Italie contemporaine, et révélant en outre comment le passé colonial du pays, tout comme les déplacements ambigus de la mémoire de cet épisode, continuent à façonner le présent.